Jodorowsky’s Dune

Jodorowsky’s Dune est un documentaire qui retrace la genèse du projet de film adapté du roman Dune de Frank Herbert porté par le réalisateur Chilien Alejandro Jodorowsky (que je vais appeler affectueusement « Jodo » dans la suite de cet article) et le producteur Français Michel Seydoux. Car si l’histoire n’a gardé en mémoire que le médiocre film de David Lynch, le projet de Jodo était infiniment plus novateur et plus prometteur! Le documentaire se propose de nous faire revivre une épopée qui s’est déroulée dans les années 70.


Cet article est un condensé du contenu du documentaire à destination de ceux qui ne parlent pas anglais ou qui sont curieux d’en savoir plus. Par la même, il contient énormément de spoiler sur le documentaire. Je vous déconseille donc de le lire si vous envisagez de le regarder prochainement.

Le documentaire retrace brièvement le début de la carrière de Jodo, qui débute comme metteur en scène en Argentine puis se fait remarquer avec des films très « avant-garde ». Son deuxième film, El Topo, est distribué chez nous par le producteur Michel Seydoux en 1970. Devant le succès du film, le producteur lui donne carte blanche pour produire son prochain film. Après réflexion, ce sera « Dune », le célèbre roman de science-fiction. Jodo ne l’a même pas lu, mais ses amis lui en ont dit beaucoup de bien. Car Jodo, c’est un artiste, il marche au coup de cœur plutôt qu’a la raison!

Jodorowsky's Dune | Official Trailer HD (2014)

Création d’une équipe exceptionnelle

Jodo se met au travail et commence par écrire le script du film. Il va ensuite se mettre en quête des talents, des « guerriers » comme il le dit lui-même, qui vont constituer son équipe. Il va nous narrer quelques anecdotes à ce sujet. Il cherche en premier un artiste pour s’occuper du story-board. Lorsqu’il tombe sur une BD de Bluberry de Jean Giraud, il sait que c’est l’homme qui lui faut! Il va le croiser par hasard chez son agent et va embarquer Moebius (le nom de plume de Giraud pour ses BD de SF) sur son projet. Visiblement, les deux hommes ont très bien fonctionné ensemble, Moebius étant la « caméra » de Jodo et très vite, un story-board de 3000 dessins est réalisé. Moebius va également réaliser de nombreux « concept-art » extrêmement réussis des personnages et des décors. Après avoir consulté le ponte des effets spéciaux de l’époque et l’avoir jugé trop imbu de lui-même, Jodo choisira Dan O’Bannon après avoir vu les effets spéciaux qu’il avait fait pour le fim « Dark Star ». Chris Foss, un illustrateur de couvertures de romans de SF, sera engagé pour les dessins des vaisseaux spatiaux.

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Il se met ensuite en quête d’acteurs pour les rôles principaux, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il va réunir un casting d’exception à l’époque. David Carradine sera le Duc Leto, un rôle que l’acteur acceptera sans aucune difficulté. Paul sera joué par le propre fils de Jodo, le jeune Bronto alors âgé de 12 ans, et qui sera soumis à rude épreuve par son père qui souhaite qu’il soit le mieux préparé possible. Il sera entrainé physiquement non-stop pendant 2 ans à raison de 6 heures par jour. Dali, le célèbre peintre sera l’empereur. Mais l’artiste fantasque se fait désirer et joue les divas! Appuyé par Amanda Lear (la compagne de Dali à l’époque) à qui il promettra le rôle de la princesse Irulan, Jodo et Michel Seydoux vont user de ruses pour convaincre le peintre qui va finalement accepter. C’est Dali qui va présenter H.R Giger alors peu connu à Jodo. Il sera embauché dans l’équipe pour s’occuper des design Harkonnen qui vont très bien avec son style sombre et organique. Pour jouer l’énorme Baron Harkonnen, Orson Welles semble tout indiqué, l’amateur de bonne chair et de boissons se laissera convaincre par la présence d’un chef qui lui sera dédié sur le tournage! Enfin Feyd Rautha sera incarné par Mick Jagger qui se laissera convaincre sans soucis.

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Mais pour Jodo, ce film est bien plus qu’un film, c’est une vraie mission, une ouverture d’esprit, la création d’un prophète (oui, visiblement, il consommait pas mal de trucs à l’époque). Une hallucination comme sous LSD, mais sans le LSD (c’est lui qui le dit). Ainsi, chaque faction / planète doit avoir son ambiance propre, ainsi qu’une musique dédiée. Il va donc s’adjoindre les services des Pink Floyd pour les Atreides (après un bon coup de gueule pour les convaincre), et le groupe de rock français Magma pour les Harkonnens. Comme il le dit, il joue le rôle d’un coach dans l’équipe. Il donne ses directives, mais il laisse chacun travailler comme il le souhaite. Lui qui aime être libre pour s’exprimer artistiquement, fait de même avec son équipe. Pour la petite histoire, la fin prévue du film est bien différente du livre. Comme le dit Jodo, une adaptation n’est pas fidèle par essence, il livre donc sa propre version du final de Dune.

Mine de rien, on tient ici le premier « blockbuster » du cinéma moderne! Un film extrêmement ambitieux, des effets spéciaux, un casting exceptionnel. Mais le cinéma et Hollywood ne semblent pas encore prêts…

Le projet finit en impasse

Le projet ficelé et matérialisé sous la forme d’un énorme livre, une « bible » qui contient les deux ans et demi de travail réalisé (story-board, dessins,..). Jodo et Michel Seydoux font alors le tour des grands studios US. Le projet est tout à fait viable (chiffré à 15 millions de dollars, une somme pour l’époque), le story-board épate tous les studios par sa richesse et sa qualité. Mais aucun studio ne prendra le risque de produire un tel film. Le film est trop en avance sur son temps. A cette époque, la SF au cinéma, c’est 2001, l’odyssée de l’espace, sorti quelques années avant. Stars Wars ne sortira que quelques années plus tard. Et puis Jodo qui doit réaliser le film fait peur au studio, trop fantasque, trop passionné. Bref, une à une, les portes se ferment. Le projet finit pas être abandonné faute de financement. La mort dans l’âme, Jodo dissout son équipe.

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Quelques années plus tard, il apprend que les droits sur Dune sont repris et que David Lynch fera le film. Jodo est content que ce soit Lynch qui le fasse, mais jaloux en même temps qu’un autre le fasse. Trainé de force dans une salle de cinéma par ses proches pour voir le film, il sortira heureux, car le film est mauvais! Dune reste son « bébé ».

Un projet fondateur pour le cinéma de SF

Malgré tout cela, tous les efforts de Jodo et de son équipe ne seront pas totalement perdus, loin de là! Une partie de son équipe (Dan O’Bannon, H.R Giger et Moebius) vont travailler sur le film Alien qui sera le succès que l’on connait et qui permettra au grand public de découvrir le talent de Gigger. De nombreux films utiliseront des plans tirés tout droit du story-board de Dune : Star wars, Flash Gordon, les aventuriers de l’Arche perdue, Contact (qui reprend le long plan-séquence prévu comme introduction du film), Prometheus,..

Peut-être même que ces films n’auraient pas vu le jour si les gens ne s’étaient pas rencontrés lors du travail sur le projet Dune. Jodo lui-même à réutilisé des éléments dans ses propres œuvres qu’il va réaliser ensuite (l’incal, les méta-barons). La conception de Paul Atreides à partir d’un goutte de sang de son père a par exemple été réutilisée dans la Caste des Méta-barons quasiment à l’identique pour le personnage d’Aghnar! Bref, comme il le dit lui-même, ce n’est pas un échec, mais simplement un changement de direction! On sent bien que malgré tout, l’échec du projet a été un gros coup pour lui.

Génie & Folie

On dit souvent que génie et folie vont de pair. Je pense que Jodo est un exemple tout à fait parlant de cet adage. Lors de l’interview, il est âgé de 84 ans, mais on le sent animé d’une passion, d’un feu intérieur intact. Il était prêt à tout à l’époque. Même à se couper un bras si cela avait pu servir le projet. Et bizarrement, de la manière dont il le dit, on est persuadé qu’il dit vrai. Le génie créatif dans tous ses excès! Même si parfois, il reconnait qu’il a dépassé les limites, comme avec l’entrainement de son fils qu’il semble regretter. Mais on le sent encore tellement foisonnant, bouillonnant, que l’on est sous le charme du personnage malgré son côté excessif. On sent que cela s’agite encore beaucoup sous sa caboche, en témoigne son interview où il parle parfois en espagnol, parfois en anglais et un peu plus rarement en français. Bref, je découvre un personnage haut en couleur, moi qui ne le connaissais qu’au travers des scénarios des BD qu’il a écrits. Mais je trouve que le personnage correspond assez bien à ses histoires!

Mot de la fin

Le documentaire réalisé en 2013 est malheureusement postérieur à la mort de Jean Giraud, décédé l’année d’avant. C’est dommage, j’aurais bien aimé avoir son sentiment sur cette magnifique aventure. On pourra se consoler en se disant qu’au moins Giger aura pu témoigner avant son décès survenu il y a quelques mois. Évidemment, à la fin du documentaire, on regrette encore plus que le film n’ait jamais été fait. Reste que Jodo le dit lui-même, les documents de travail sont disponibles et qu’il verrait d’un bon oeil qu’il serve par exemple à une adaptation animée. On n’ose en rêver.

Bref, vous l’aurez compris, c’est absolument à voir si vous êtes fans de SF, de dessins, vous allez en prendre plein les yeux et découvrir un pan un peu « caché » de l’histoire du cinéma. Malheureusement, il n’est disponible qu’en Anglais pour le moment, pas d’édition française (un comble pour un documentaire coproduit par Michel Seydoux). Le documentaire doit sortir en vidéo chez nous début 2015 d’après les infos que j’ai pu obtenir. Et si un éditeur pouvait éditer (en tout cas une partie) le pavé produit par l’équipe du projet, je pense que cela pourrait intéresser nombre de passionnés! Une exposition s’est tenue à Londres il y a quelques années exposant une partie du travail du projet.

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Article écrit par Mat

Mat, créateur et admin du site GeeKroniques. Grand fan de séries et de culture Japonaise, je vous parle de mes coups de coeurs et parfois de mes coups de gueule! Retrouvez également mes tutos informatiques sur mon autre site.

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