Le mot de la fin – Dexter

Cette chronique étant nouvelle, je tiens en premier lieu à en expliquer le but. Chaque billet contiendra l’analyse d’une série achevée et dont la diffusion est terminée. Il s’agira de traiter soit de séries connues qui se sont arrêtées récemment, soit de séries plus confidentielles. J’écrirai ce qu’on pourrait appeler « le mot de la fin » pour ces séries, en analysant leur évolution au fil des années, et leur portée. Je tiens également à remercier Mat pour m’avoir accueilli dans l’équipe. Bonne lecture, et que l’aventure commence !

Le synopsis :

Brillant expert scientifique du service médico-légal de la police de Miami, Dexter Morgan est spécialisé dans l’analyse de prélèvements sanguins. Mais voilà, Dexter cache un terrible secret : il est également tueur en série. Un serial killer pas comme les autres, avec sa propre vision de la justice.

dexter, une série très novatrice quand elle est arrivée
Une série très novatrice quand elle est arrivée

 La critique :

Q

uand une série aussi emblématique et appréciée arrive à son terme, il apparaît logique d’en tirer un bilan, calmement, en s’en remémorant chaque instant. Trêve de références musicales, il est temps de s’attarder sur Dexter, une série qui s’attache à narrer les péripéties du personnage éponyme. Il faut tout d’abord savoir que si la série a été diffusée sur Showtime, notamment connue pour Homeland, ou plus anciennement Stargate SG1 (non, ce n’est pas une blague), c’est d’un roman dont sont issus l’histoire et le contexte. C’est donc Jeff Lindsay, par ailleurs scénariste sur certains épisodes, qui a modélisé l’univers dont la première saison est tirée. Si romans et épisodes verront par la suite leur chemin se séparer, il n’en demeure pas moins que l’oeuvre de Lindsay a été déterminante dans le processus créatif de la série.

On commence donc avec une première saison particulièrement sombre, qui a le mérite d’introduire un style atypique pour une série télévisée. La mise en scène est léchée, les personnages secondaires sont intrigants, et l’antagoniste principal est incroyablement réussi. On trouve donc du mystère bien dosé avec des révélations qui viendront rapidement dans une série qui décide d’opter pour une intrigue feuilletonnante. Le nombre réduit d’épisodes composant la saison (12), permet d’éviter tout temps mort et d’apprécier un duel féroce entre deux personnages profonds et diablement bien écrits. Nous passerons rapidement sur les éléments de l’intrigue, pour en arriver à une deuxième saison pleine de surprises qui voit l’ordre établi se renverser et l’étau se resserrer sur notre antihéros préféré. D’ailleurs, il est bon de noter que Dexter est un facteur majeur du développement des antihéros dans les séries modernes. Si Les Sopranos ou The shield utilisaient déjà la figure du personnage central détestable d’un point de vue strictement moral, Dexter est un personnage ambigu, suivi par des millions de fans et aimé de ceux-ci. L’intelligence de la série est d’avoir su humaniser son héros, faisant de lui un justicier aux méthodes discutables. Concrètement, si les moyens sont condamnables, l’intention est noble. Le procédé scénaristique du « Code », qui oblige Dexter à ne tuer que des individus coupables des pires atrocités, permet d’emporter l’adhésion du spectateur, qui comprend et pardonne son héros des meurtres qu’il commet. Il convient également de mentionner les monologues intérieurs de ce dernier, qui participent à l’élaboration d’une réflexion sur ce que le spectateur voit à l’écran. Ainsi, à chaque épisode, Dexter se questionne, philosophe, doute, ou encore exprime sa satisfaction. Pertinentes, ces réflexions permettent au héros d’analyser son environnement et de prendre ses décisions en conséquence. Par extension, elles nous permettent de faciliter la compréhension du mode de pensée de Dexter, et surtout de justifier habilement ses actes. Et c’est la que se situe toute la virtuosité de la série : tandis que les images bruts témoignent d’une violence certaine, l’aspect formel permet de la relativiser en la plaçant dans un contexte particulier.

dexter Les personnages secondaires ont rapidement perdu de leur intérêt.
Les personnages secondaires ont rapidement perdu de leur intérêt.

Du moins dans la première moitié de la série. Les quatre premières saisons effectuent en effet un presque sans faute, se permettant même le luxe de changer d’arc narratif à chaque nouvelle saison. Chacune d’entre elles met en scène un nouvel adversaire pour Dexter, opérant ainsi un renouvellement scénaristique bienvenu. Il en ressort qu’il n’y a aucune redondance au sein de chaque saison qui se différencie ainsi de la précédente. Mais cette même redondance apparaîtra néanmoins à l’échelle de la série. Parce que si le changement d’adversaire permet d’éviter la répétition d’une saison à une autre, on remarque que celles-ci se ressemblent beaucoup dans leur construction. Pire, on a l’impression, à partir de la saison cinq, que ce sont les audiences qui dictent la direction que prend la série, et non les besoins du scénario. Il en ressort des storylines bouche-trous, qui n’auront aucune portée à long-terme sur l’environnement de la série. A titre d’exemple, la saison 6, bien plus sombre que d’habitude, a pour thème la religion. On y trouve un Dexter qui ne cesse de se questionner sur la foi. Le souci est que ça tombe comme un cheveu sur la soupe, et que ça disparaît totalement dans les saisons suivantes. La série ne sait pas utiliser ses acquis, comme pouvait le faire Breaking Bad par exemple. Ici, les personnages n’apprennent pas de leurs expériences passées et repartent à la case départ à chaque nouvelle saison. Il n’y a aucun acquis durable, si bien qu’on a l’impression qu’il n’y a pas de réel développement pour les personnages. Pour vulgariser la pensée, ça tourne en rond, à cause d’un manque d’évolution et d’un sur-place irritant au possible. Sans exagérer, on est au même point au final de la sixième saison qu’au début de la cinquième. Tout ce qui se passe au milieu n’a strictement aucune incidence sur le long-terme. En outre, tout ce qui faisait la force de la série a entre temps disparu. Les monologues intérieurs, qui amenaient auparavant à la réflexion et au questionnement, sont dorénavant plats et sans aucun intérêt. On a l’impression d’assister à un enchaînement de mots qui forment de belles phrases, mais dont la portée philosophique est inexistante. « Le spectateur lambda n’y verra que du feu » ont-ils du se dire chez Showtime. Grossière erreur.

Les thématiques de la sixième saison étaient pourtant intéressantes, et l’idée de base des twists alléchante. Mais ça n’aura pas suffit. Et même quand la saison sept est miraculeusement parvenue à introduire un personnage secondaire d’une justesse remarquable (interprétée par Yvonne Strahovski, déjà aperçue dans Chuck), la saison suivante a réussi à balayer comme poussière au vent toute cette profondeur d’un revers de la main.

dexter - Hannah avait du potentiel en saison 7... et puis vint la huitième.
Hannah avait du potentiel en saison 7… et puis vint la huitième.

D’ailleurs, parlons-en de cette dernière saison. Jamais une série n’aura gâché un tel potentiel en aussi peu d’épisodes. Les personnages secondaires ont toujours été une faiblesse majeure dans Dexter, mais ici, ça touche le fond. D’ailleurs, de multiples nouveaux personnages font leur apparition : vu l’utilité qui en est faite, on se demande s’il ne fallait pas mieux se concentrer sur les anciens, qui étaient déjà trop nombreux. Quant à l’antagoniste, on frôle le ridicule sur tous les points. Pour faire bref, on s’attendait à un final sous haute tension pour le célèbre tueur en série ; on se retrouve à la place avec un ersatz de Plus belle la vie. Triste fin pour une désormais triste série.

Aucune série ou presque ne parvient à atteindre le sans-faute. Et même avec la meilleure volonté du monde, il est possible, voire probable, que la qualité finisse par baisser au bout de huit saisons. Ce qui n’est pas excusable en revanche, c’est que l’on étire au maximum un concept dans le seul but de capitaliser sur une audience en progression. Pour la petite histoire, le showrunner Clyde Phillips a laissé sa place à Scott Buck à la fin de la quatrième saison. Et c’est justement à partir de ce moment que la qualité n’a cessé de chuter, malgré quelques soubresauts en saison sept. La série a alors aligné des saisons inutiles dont le seul but était de retarder le début des ennuis pour Dexter. Il n’y a eu aucune ligne scénaristique de tracée. On a l’amère impression que chaque saison était écrite au jour le jour, en fonction des audiences. Même Michael C Hall, l’interprète principal, semblait se demander ce qu’il faisait la vers la fin. Comparez son jeu incroyable en première saison, et le « minimum syndical » effectué dans les dernières. C’est flagrant. Il parle de façon monotone, fronce un sourcil… et c’est tout. Il n’est plus animé par son personnage, et semble s’ennuyer autant que nous. D’ailleurs, il a récemment avoué qu’il n’avait même pas regardé le final, et que lui aussi, il trouvait les dernières saisons plus faibles. C’est vraiment dommage, parce que la série avait un potentiel immense associé à une ambiance unique. Alors on peut faire le bilan, calmement, mais mieux vaut éviter de se remémorer chaque instant.

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Article écrit par Jean-Baptiste

Comme le disait Joseph Bédier, "le cinéma, c'est un oeil ouvert sur le monde". S'il avait connu l'âge d'or des séries télévisées, sans doute aurait-il eu le même discours, tant ces-dernières ont su évoluer jusqu'à faire jeu égal avec le septième art. Parallèlement, ces deux supports se sont développés, sans jamais que l'un ne nuise à l'autre. Et pour cela, chacun mérite d'être étudié. Je m'appelle Jean-Baptiste, passionné de cinéma et de séries télévisées.

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