Miss Hokusai

Miss Hokusai, c’est Katsushika Hokusai (surnommée O-Ei), la troisième fille de Hokusai, le célèbre artiste Japonais. Aussi passionnée que son père, elle ne vit que pour le dessin. Ensemble, ils produisent quantités d’œuvres de toutes tailles pour faire face à une demande sans cesse croissante. O-Ei est un esprit libre, une femme indépendante dans un japon encore quasi féodal et isolé du reste du monde. Elle rejoins son père à Edo (l’actuelle Tokyo) en 1814 pour travailler avec lui. La ville bouillonne et foisonne alors d’un point de vue artistique.

hokuzai2

On va donc découvrir la vie de O-Ei, sa passion dévorante pour le dessin, son dédain (tout comme son père) pour toutes les taches subalternes (leur atelier est un capharnaüm sans nom). Elle ne quitte d’ailleurs pas beaucoup cet atelier, si ce n’est pour rendre visite à sa mère Koto et sa jeune soeur aveugle O-Nao. On va vite se prendre d’affection pour ces deux personnages hors du commun, et tout l’univers qui gravite autour d’eux : les apprentis, l’éditeur qui est un rendez-vous incontournable, le tout assaisonné d’un soupçon inattendu de fantastique..

Mon avis

Miss Hokusai, à l’image de son héroïne, aime à surprendre et à ne pas suivre les chemins tous tracés! Là ou je m’attendais à voir un film « historique », il est ici plutôt question de scènes de vies qui s’enchainent afin de nous faire rentrer dans la vie de O-Ei et de son illustre père, il n’y a pas vraiment de fil conducteur. Pourquoi pas, c’est aussi une façon de rentrer dans le quotidien des personnages. Pour autant, le film est assez proche du contexte historique puisqu’il est basé sur le manga « Sarusuberi » de Hinako Sugiura, une spécialiste de l’époque. Pour ce qui est des personnages, il semblerait que la fascination de Hinako Sugiura pour O-Ei l’ai conduite à prendre des distances avec la réalité.

Mais le plus surprenant pour moi, c’est la touche de surnaturel à laquelle je ne m’attendais absolument pas! Le lien entre le dessin et les forces « mystiques » est très présent, que cela soit le passage avec le dragon dont l’esprit va être littéralement couché sur le papier ou le tableau inachevé qui fait perdre l’esprit à une cliente. On sort donc encore de l’idée de la reconstitution historique, mais cette idée de « puissance » du dessin (assez japonaise d’ailleurs) apporte une touche d’exotisme supplémentaire pour le spectateur occidental. Enfin on a une dernière touche « irrévérencieuse » avec la musique! La aussi, je m’attendais à de la musique traditionnelle japonaise (que j’apprécie), certes on va en entendre, mais bien plus surprenant, on a quelques morceaux très contemporains qui font notamment un usage de batterie et de guitare électrique! Décidément, l’esprit anti-conformiste de O-Ei plane sur le film!

dragon pont

Le film va donc alterner différentes tranches de vie de O-Ei, ses relations avec son père, avec sa jeune soeur aveugle avec qui Hokusai ne sait pas comment communiquer, ses relations avec les hommes. Bref, c’est elle la star du film (logique avec un film qui s’appelle Miss Hokusai). Keiichi Hara, après le rafraîchissant « Un été avec Coo » et le plus délicat « Colorful » , continue de nous emmener hors des sentiers battus et à traiter des sujets peu ou pas traités par l’animation Japonaise. Un parti pris qui ne répond pas uniquement à des problématiques commerciales, mais qui reste un pari notamment à l’export vu le sujet. Mais c’est un pari relevé en France par Eurozoom qui a déjà distribué ses deux autres films chez nous (en partenariat avec @anime). Un distributeur indépendant qui alterne « grosses licences » comme les films de Naruto et des films moins « bankable » comme avec Miss Hokusai. Une très belle initiative pour les amateurs d’animation comme moi, c’est toujours un régal de voir un film sur grand écran plutôt qu’en vidéo.

Techniquement, c’est très propre, l’animation est impeccable, on reste ici sur du dessin « traditionnel », sans aucuns effets par ordinateur (ou alors tellement bien intégrés que je n’ai rien vu). Il faut dire que le tout est réalisé chez Production I.G, l’un des tous meilleurs studio d’animation Nippon. Mais aussi réussi que soit le film, il n’est pas aisé pour un occidental d’en saisir toutes les subtilités, aussi, je vous propose de vous en dire plus sur le contexte du film en me basant sur le très beau et complet dossier de presse qui m’a été fourni lors de la projection presse. De quoi mieux décrypter / comprendre le film..

L’art de l’Ukiyo-e

L’ukiyo-e est le terme Japonais qui fait à la fois référence aux peintures et aux estampes, qui ont rendus Okusai populaire en Occident. Les peintures sont en général des commandes faites par de riches clients (comme le tableau incomplet réalisé par O-Ei), tandis que les estampes sont destinées à être imprimées en série à vise un public bien plus populaire. Ces publications en masse (5 à 10 000 exemplaires pour les plus populaires) préfigurent en quelque sorte le marche de masse du manga actuel, même si la forme est totalement différente. L’éditeur dont il est souvent question dans le film, c’est justement l’éditeur d’Ukiyo-e qui commercialise les oeuvres de différents artiste. De façon assez paradoxale, cette culture de masse va être assez peu préservée au Japon, et c’est l’occident qui en découvrant ces œuvres va se mettre à les collectionner et ainsi à les préserver. Certains occidentaux ont d’ailleurs découvert par hasard les Ukiyo-e qui servaient d’emballages, ainsi Claude Monnet aurait découvert des estampes  utilisées comme papier d’emballage dans un magasin d’épices.

Katsushika Okusai

Même si vous n’êtes pas forcément versé dans l’art de l’estampe, vous connaissez le travail d’Okusai ne serait-ce qu’au travers de son oeuvre la plus connue : « Sous la vague au large de kanagawa » (le film y fait d’ailleurs un clin d’oeil).

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Mais ce n’est qu’une des œuvres parmi les 30 000 que l’artiste à produit! Il réalise également parfois des oeuvres gigantesques, comme celle du Dharma Bouddha montrée au début du film sur un assemblage de feuilles de papier de 18 mètres sur 10! Une œuvre malheureusement détruite lors de bombardements durant la seconde guerre mondiale. L’artiste décrit dans le film semble conforme à la réalité, un homme uniquement centré par son art, peu intéressé par l’argent ou à toute forme de divertissement. Seul son art et l’idée de s’améliorer semble le diriger! Une exposition lui a d’ailleurs été consacrée au Grand Palais à Paris fin 2014.

Hokusai, l'exposition

Katsushika Oi

Si la fille de Hokusai est très peu connue et que peu d’éléments historiques nous sont parvenus, cette artiste éminente sort de l’ombre grâce au film Miss Hokusai.  Pas vraiment féministe, elle détonne malgré tout par son positionnement en dehors des règles sociales de l’époque! Tout comme son père, elle partage cette obsession artistique qui prend le pas sur le reste! O-Ei se désintéresse ainsi complétement des taches féminines que l’on attribue de facto aux femmes de l’époque : faire le ménage et la cuisine. Fort caractère, elle n’hésite pas à s’exprimer, et à ce titre loin du cliché ambiant de la femme soumise. Le film rend hommage à cette femme hors norme que l’histoire a oublié! Car en travaillant avec son père, elle ne signait pas toujours de son nom, mais de celui de son père (cf le dragon dans le film), du coup, pas évident de distinguer la production du père et de la fille. On sait comme le montre le film qu’elle était fascinée par les incendies, sans doute en partie pour son gout sur les jeux d’ombres et de lumière comme dans la peinture « A travers les grilles de Yoshiwara » visible ci-dessous :

yoshiwara-koshiMot de la fin

Miss Hokusai est un beau film, qui comblera les amateurs d’animation et de culture Nippone. Reste que par sa construction scénaristique en « tranche de vie » et son sujet un peu « pointu », je crains qu’il ne peine à trouver la place qu’il mérite auprès du « grand public ». Mais ce « grand public » n’est pas forcément la cible de toute façon. A voir donc pour découvrir un portrait de femme très attachant et une partie de l’histoire du Japon. A noter, le film a obtenu le prix du Jury au festival d’Annecy il y a quelques semaines. Le film reste par contre destiné plutôt aux adultes, non pas qu’il soit violent mais son traitement et le sujet font que les plus jeunes risquent de s’ennuyer ferme..

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Article écrit par Mat

Mat, créateur et admin du site GeeKroniques. Grand fan de séries et de culture Japonaise, je vous parle de mes coups de coeurs et parfois de mes coups de gueule! Retrouvez également mes tutos informatiques sur mon autre site.

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