« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux »- Benjamin Franklin
OK, je me la pète directement avec ma citation de Benjamin Franklin, il faut quand même avouer que cette phrase et cette question de liberté et de sécurité occupent pas mal l’espace médiatique, politique et notre quotidien de citoyen du monde … « libre ». Le souvenir douloureux des attentats de Bataclan est encore là, une année est passée. Les élections américaines se sont enfin terminées et ont donné lieu à un affrontement entre deux candidats et leurs casseroles respectives à faire pâlir les cuisines des plus grands restaurants. Et au milieu de tout ça… Notre liberté, notre sécurité, encore et encore.
Oliver Stone a bien choisi son moment pour nous offrir son dernier film, « Snowden ». Edward Snowden, le traître d’une nation? Le lanceur d’alerte, le courageux? Ou le fou qui a gâché son avenir pour nous alerter sur les dangers qui rôdent autour de nos vies physiques et virtuelles, nos données les plus intimes, notre liberté et notre sécurité… toujours ce fameux dilemme.
LES ENFANTS DU 11 SEPTEMBRE
« Snowden » est un biopic qui nous parle d’Edward Snowden avec l’ambition de nous faire découvrir le vrai Edward, et non seulement le lanceur d’alerte réfugié politique en Russie depuis ses révélations sur les méthodes du gouvernement américain pour ficher, espionner, et contrôler les citoyens du monde et les Américains eux-mêmes. On découvre tout d’abord un Edward très à droite politiquement parlant, très patriote suite aux attentats du 11 septembre 2001.Issu d’une famille de militaire, il choisit de rentrer dans l’armée, mais son physique ne suit pas. Il trouve enfin sa voie et son utilité pour la société en intégrant les grandes agences gouvernementales afin de disputer une guerre d’un nouveau genre, la cyber guerre et son cousin, le cyber terrorisme. Celui qui pensait défendre ses concitoyens apprendra bien malgré lui que ses compétences et recherches servent surtout à surveiller les siens et enfreindre ainsi la liberté de chacun. Mauvais choix, mauvaises actions et une vie de famille difficile, Snowden quitte tout, se met en danger et fait éclater à la face du monde les secrets de son gouvernement à travers une série de révélations fracassantes et un documentaire « Citizen Four » qui mettra les dirigeants du pays de l’Oncle Sam dans une situation des plus embarrassantes.
Le personnage de Snowden est un personnage très étrange : un côté autiste, un grand timide, le regard fuyant et un aspect austère très peu vendeur au cinéma. Enfin, si on confie le rôle à Joseph Gordon-Levitt, c’est tout de suite bien plus aguichant!!! JGL est un acteur talentueux, touche à tout et surtout totalement crédible en agent rebelle et geek de la CIA et de la NSA. Il ne joue ni un héros ni un simple citoyen, juste un homme courageux qui a pris énormément de risques personnels pour défendre son point de vue et son idée de l’Amérique. Prestation de très grande qualité pour Joseph, un acteur bien épaulé par le reste du casting à commencer à Shailene Woodley. Shailene Woodley, la meuf de la saga SF aseptisée pour ado « Divergente », pas le genre d’actrice qu’on s’attend à voir dans un film d’Oliver Stone… Et bien pour le peu de place que celle-ci prend dans le film, je l’ai trouvé intéressante alors qu’elle n’est que la « compagne » de Snowden. Elle représente aussi la naissance de la pensée gauchiste d’Edward, lui, le républicain dans l’urne.
Il y a deux rôles secondaires qui ont retenu mon attention: Nicolas Cage et Rhys Ifans. Nicolas Cage (Hank Forrester) incarne ici un agent mis au placard par son gouvernement pour avoir montré son indignation concernant les méthodes de son pays en matière de sécurité. En gros, ce que Snowden aurait pu devenir si celui-ci s’était seulement plaint sans jamais aller au bout de sa démarche. Et Rhys Ifans (Corbin O Brian), acteur gallois à la carrière prolifique, qui lui joue le rôle du parfait petit soldat qui suit aveuglement les ordres et qui croit au plus profond de son âme aux bienfaits de l’ultra sécurité au prix de la liberté. Ce que le gouvernement attendait de Snowden,…
YES, WE SCAN
Oliver Stone, grand nom du cinéma US et mondial, est un réalisateur connu pour son amour de l’Amérique et son avis acerbe et tranché sur les puissants de ce monde. Un homme qui a toujours parlé du peuple américain avec convictions et surtout sans concession, un adepte du biopic après « The Doors », « Alexandre », « JFK », « Nixon » ou encore »W: l’improbable Président ». Stone, un réalisateur politique? Assurément, même si on n’est pas à l’abri de sorties de route comme avec son « World Trade Center » plein de bonnes intentions, mais maladroit comme jamais. Oliver Stone qui réalise le biopic sur Snwoden, mais quelle évidence!!! Un homme blessé dans ses idéaux, motivé par ses convictions les plus intimes, c’est la vie d’Oliver ça!!! Si en plus, notre New-yorkais de 70 ans peut ébranler un peu son W, mais aussi Obama, il ne va pas s’en priver.
« Snowden » est un film engagé, témoignage d’un homme qui a forcément influencé la vision du monde actuel pour les simples mortels surveillés que nous sommes, qui constitue également un excellent complément au documentaire choc que fut et reste « Citizen Four » de Laura Poitras. Une vision plus humaine du personnage de Snowden, mais qui traduit cette même volonté de nous questionner sur le rapport entre sécurité et liberté. Ce long métrage n’aura jamais l’authenticité du témoignage d’Edward face à la caméra de Laura Poitras, mais Stone cherche à traduire des mêmes dilemmes et choix cornéliens intenses vécus par Snowden. Une alternance de moments authentiques et précieux entre notre héros et sa compagne filmés de façon très posée, et des moments plus anxiogènes et complexes propres à l’organisation interne et perverse des agences gouvernementales avec des cadres débullés aux éclairages inquiétants dans leur aspect factice.
« Un héros s’aventure à quitter le monde du quotidien pour un territoire aux prodiges surnaturels : il y rencontre des forces fabuleuses et y remporte une victoire décisive. Le héros revient de cette mystérieuse aventure avec la faculté de conférer des pouvoirs à ses proches. »
Je passe d’une citation de Benjamin Franklin à un vieux copié-collé de Wikipedia, ne m’en voulez pas!!! Je m’explique, cette phrase représente la pensée de Joseph Campbell, un anthropologue spécialiste des mythes en tout genre à qui on doit l’incontournable livre « Le Héros aux mille et un visage ». Si on inverse la pensée de Campbell, on obtient finalement l’histoire de Snowden par Oliver Stone : un héros avec la faculté de conférer des pouvoirs à ses proches, qui revient d’une mystérieuse et douloureuse aventure, qui a rencontré des forces fabuleuses, mais dangereuses, qui n’a pas remporté de victoire décisive, et qui s’aventure à quitter le territoire aux prodiges surnaturels pour essayer de retrouver le monde du quotidien. Un monde qui n’existe plus pour Edward maintenant…
A voir? Un film d’Oliver Stone convaincu et convaincant qui nous montre la vie d’homme qui a sacrifié et sacrifie encore sa liberté pour nous montrer que la notre est en danger…
- Une histoire et un personnage taillés pour le cinéma d'Oliver Stone.
- Joseph Gordon-Levitt parfait dans le rôle de Snowden.
- Un biopic militant qui cherche à nous faire réfléchir.
- Un documentaire choc plus authentique que la vision d'un homme sur un autre homme.
- Quelques longueurs malgré un récit très détaillé et accessible.
- Une BO d'un niveau très inégal.
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