Silence

Une nouvelle fois, j’ai hésité lorsque j’ai reçu l’invitation à la projection presse de Silence, le dernier film de Scorcese. Je ne suis pas forcément fan de ces films (que je n’ai pas tous vus d’ailleurs) et les 2h40 du film m’ont fait un peu « peur ». Pourtant, je suis sorti enchanté de ma séance (et un peu secoué aussi à dire vrai). Je vous explique pourquoi dans ma critique.

La scène d’ouverture de Silence donne bien le ton : nous sommes en 1624, des chrétiens sont torturés à mort par des Japonais de manière très brutale sous le regard impuissant du père Ferreira (Liam Neeson).

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Puis on découvrira deux jeunes prêtres jésuites portugais, Sebastião Rodrigues (Andrew Garfield) et Francisco Garupe (Adam Driver) qui prennent connaissance de ces événements plusieurs années plus tard en lisant une lettre du père Ferreira relatant les événements. Tous deux formés par le père Ferreira, ils obtiennent du père Valignano (Ciarán Hinds),  leur supérieur, de se rendre au Japon malgré le péril que cela représente. Leur but : aider les chrétiens sur place et découvrir ce qu’il est advenu de leur mentor.

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Ils s’engagent donc un voyage à haut risque. Avec l’aide de Kichijiro (Yosuke Kubozuka), un pêcheur Japonais peu fiable, ils parviennent à poser pied au nord du Japon au nez et à la barbe des autorités du pays. Ils vont être accueillis par des villageois qui sont en secret des chrétiens. Pour échapper aux persécutions, ils doivent cacher leur foi et vivent dans une misère absolue qui va toucher les deux prêtres, les « padres » comme les appellent leurs nouvelles ouailles.

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Mais la présence des deux prêtres va finir par s’ébruiter et ils vont être traqués et les villageois torturés. Ils vont se séparer pour ne pas mettre plus en danger les villageois et tenter de retrouver la trace du père Ferreira qui aurait renié sa foi selon la rumeur..

SILENCE - Bande-annonce VOST

Mon avis

Malgré une durée un peu excessive et quelques longueurs, Silence est un film intéressant sur plusieurs points. La première facette que j’ai appréciée est la portée historique du film. Grand fan de culture japonaise, je commence à connaître un peu le pays et son histoire, mais cette partie m’était complètement inconnue. Tout comme je ne savais pas que l’Église s’était « cassée les dents » à tenter d’évangéliser le pays (même si c’est assez logique, j’y reviendrais plus tard). Mais Silence vaut aussi et surtout pour sa portée « religieuse ». Même pour moi qui suit complètement athée (malgré une éducation catholique à la base), les questionnements du père Rodrigues sur sa foi et le silence de son dieu sont passionnants.

Le film est basé sur la nouvelle de Shūsaku Endō publiée en 1966.

Un pan de l’histoire à découvrir

On l’oublie parfois, mais l’histoire de l’Église, cela n’a pas toujours été « aimez-vous les uns les autres »! Et que dans sa volonté d’évangéliser les « sauvages » rencontrés, elle a fait beaucoup de mal. Je le dis sans animosité aucune, c’est un simple constat historique (je pense notamment aux Amérindiens convertis de force). Mais il y a une certaine « satisfaction » à découvrir que cela s’est parfois retourné contre l’Eglise comme cela a été le cas au Japon qui a rejeté dans la violence cette tentative d’évangélisation!

Une évangélisation vouée de toute manière à l’échec dès le début. Le Japon est un pays profondément animiste. Les Japonais ont d’ailleurs un folklore extrêmement riche de créatures et monstres (les fameux Yokai) issus de la nature. Si cela tend à s’estomper peu à peu, on la retrouve encore dans la culture japonaise contemporaine (le cinéma de Myazaki fait une large place à la nature et à ses « émanations » surnaturelles). Difficile dans ce contexte de « placer » un dieu unique et omnipotent, bien loin des croyances locales.

Mais c’est aussi une vraie volonté politique de la part du pouvoir japonais de l’époque qui voit d’un mauvais oeil cette intrusion malgré le côté très fermé du pays. Les étrangers sont interdits au Japon, et seuls les Hollandais sont autorisés à commercer. Dans ce contexte, la religion catholique qui s’implante malgré tout (le film évoque 300 000 chrétiens japonais au plus fort de sa popularité) est perçue comme une vraie menace.

Foi et croyance

Silence traite principalement de la foi. Ou plus précisément de la difficulté de ne pas perdre la foi. Car le titre fait directement référence au Silence de dieu qui ne répond pas aux prières de ses fidèles. Du coup, les deux prêtres vont douter. Surtout le père Rodrigues qui va être le personnage central du film. Est-ce que la foi vaut la peine de mourir pour elle? Est-ce que Dieu est vraiment là et est-ce qu’il cautionne la souffrance de ses fidèles (et les fidèles Japonais ne seront pas épargnés). Un vrai chemin de croix!

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Si le père Rodrigues va être contraint de renier sa foi, il restera une ambiguïté sur le sujet. Ambiguïté que le film va trancher sur la dernière scène..

Mais le film reste également très critique sur la volonté d’évangéliser à tout prix. Outre le côté à mon sens inique de penser que sa croyance est la seule vérité (un dogme que l’inquisiteur va mettre à mal facilement), Silence va aussi démontrer que la barrière de la langue va brouiller les cartes à ce niveau. Et que finalement ce en quoi les Khiristan (« christians » prononcé à la japonaise, les chrétiens donc) convertis croient n’a pas grand-chose à voir avec la religion catholique (une constante que l’on retrouve également dans d’autres pays convertis).. Mais paradoxalement ils vont pour beaucoup aspirer à mourir pour obtenir la vie meilleure (sans travail ni impôts) promise par le « paradiso » des padres.. Et que la traduction de « dieu » a été assimilé dans certains cas au « soleil », ce qui correspond à la tradition animiste de Japonais. Mais reste bien loin de la vision catholique initiale..

Les acteurs

J’avoue avoir fait partie de ceux qui ont honni Adam Driver dans son rôle dans Star Wars VII, pour autant, je l’ai trouvé bien plus convaincant ici dans son rôle de jésuite engoncé dans ses croyances. Andrew Garfield est très convaincant dans ce rôle de jésuite humain, qui très vite s’émeut de la souffrance qu’il voit. On sent son empathie et on s’identifie à lui, on partage ses doutes, ses souffrances également. Rien à dire non plus du côté des acteurs Japonais, c’est plutôt bon, pas de surjeu comme c’est parfois le cas dans le cinéma asiatique (hormis pour le rôle de l’inquisiteur, j’y reviens dans le paragraphe suivant).

Un projet de longue haleine

Silence est un projet que Martin Scorsese aura laissé maturer pendant de longues années! Il découvrit le livre originel en 1988 suite à la projection de son film la « Dernière Tentation du Christ ». Le livre de Shūsaku Endō lui fut alors offert par l’archevêque de New York, Paul Moore. Les thématiques du livre ont alors fortement interpellé Martin Scorsese, lui-même catholique. Dès la lecture du livre, il décida de le porter à l’écran!

Mais malgré l’immense popularité du cinéaste, le financement d’un tel film n’a pas été simple! Ce n’est qu’après l’énorme succès du Loup de Wall Street qu’il a pu boucler le financement de son film! Pour des raisons de coût, le film a été tourné à Taïwan et pas au Japon!

Les moins

Je le disais au début, le film est long, c’est parfois nécessaire pour bien présenter le contexte historique et nous faire vivre l’état d’esprit des « padres ». Mais je pense que cela aurait pu être un peu plus condensé malgré tout.

Un autre point gênant, c’est que les échanges en japonais (surtout les échanges courts) ne sont pas systématiquement traduits. C’est dommage, même si j’ai pu saisir ça et là quelques mots avec mes rudiments de japonais, on rate certaines choses.

Le jeu de l’acteur Issey Ogata (qui joue le rôle de l’inquisiteur) est assez déstabilisant. Très surjoué, avec son accent anglais, cela donne quelque chose d’étrange et surréaliste!

Au final

Silence est donc une belle fresque historique doublée d’un questionnement intéressant sur la foi (même si on n’est pas croyant). Reste que le film est âpre et dur, je ne le recommande donc pas aux âmes sensibles qui risquent d’avoir du mal avec les scènes de torture et le réalisme souvent cru du film.

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Mais si tout cela ne vous fait pas peur, je vous recommande d’aller voir le film!

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Article écrit par Mat

Mat, créateur et admin du site GeeKroniques. Grand fan de séries et de culture Japonaise, je vous parle de mes coups de coeurs et parfois de mes coups de gueule! Retrouvez également mes tutos informatiques sur mon autre site.

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