C’est encore la fashion week chez GeeKroniques!! Après «The Neon Demon» qui continue de me hanter et dont je ne cesse de réévaluer à la hausse depuis son visionnage, le hasard du calendrier des sorties ciné nous permet de continuer à explorer l’univers impitoyable de la mode avec «L’Idéal». Ce qui est bien avec le cinéma, c’est qu’avec le même sujet, on peut s’exprimer de différentes manières et sous la forme de plusieurs genres et styles. Je vous propose de passer du cinéma par son langage visuelle et ses codes horrifiques pour prendre le chemin de la comédie presque satirique aux dialogues bien verbeux.
«L’Idéal» est une suite, celle de «99 francs», film qui nous avait fait connaître Octave et surtout le monde sans scrupule de la publicité. Dans ce deuxième volet, Octave est devenu «model scout» et parcoure les pays de l’Est à la recherche de belles et jeunes mannequins pour le compte de riches russes aux manières mafieuses…
NOT MY FUCKING PROBLEM
«99 francs» fait partie de ces comédies françaises souvent citées en exemple pour se rassurer sur la qualité du cinéma hexagonal, un mélange de cynisme et d’humour sur fond de critique de nos sociétés de consommation et plus particulièrement du milieu de la publicité. A la base, «99 francs» est un roman de Frédéric Beigbeder, largement inspiré de sa vie personnelle et professionnelle, sous la direction du réalisateur français, Jan Kounen. Succès littéraire, puis succès cinéma et critique, il était presque logique que sa suite voit le jour sous la forme d’un nouveau roman «Au Secours Pardon» toujours sous la plume aiguisée de Beigbeder. On attendait forcément tous son adaptation au cinéma avec une nouvelle association Kounen – Beigbeder, mais finalement cette suite verra bien le jour sans Kounen, mais avec Beigbeder lui-même aux manettes.
Octave Parango a pour quotidien une vie sulfureuse entre fêtes psychotiques, une activité de «model scout» à travers toute l’Europe de l’Est à la recherche des plus belles femmes de l’ex URSS, le tout financé par des oligarques russes qui sont passés du business des armes et de la drogue à celui de la mode et des grandes marques de cosmétique. Irresponsable, cynique, imbuvable, égocentrique et à la sexualité débridée, Octave connaît quelques revers et pressions de ses amis mafieux et va se voir confier une mission très spéciale: trouver la nouvelle égérie de la marque l’Idéal pour remplacer un mannequin vedette piégée par une sex-tape (un peu comme Valbuena, mais avec des jambes plus longues et fines). Notre free-lance du mannequinat va devoir faire équipe avec Valentine, la chargée de communication du leader cosmétique mondiale «L’Idéal», et traverser toute l’Europe de l’Est pour au final se découvrir et trouver le chemin de la rédemption.
Dans «99 francs», le rôle tenu par Octave avait été confié à Jean Dujardin qui n’était pas encore cet acteur oscarisé pour «The Artist», mais jouissait déjà d’une bonne réputation et carrière en France. Dujardin ne fait pas partie de l’aventure pour «L’Ideal» et il est remplacé par Gaspard Proust, humoriste qui officie à la fois sur les planches, mais aussi à la télévision dans l’émission «Salut les Terriens» présentée par Thierry Ardison. Beigbeder connaît bien Gaspard pour lui avoir déjà confié le rôle titre d’une autre adaptation cinématographique d’un de ses romans, «L’Amour dure trois ans». Octave va former un duo avec Valentine pour constituer une sorte de buddy movie du fond de teint, une Valentine interprétée par la belle Audrey Fleurot. Une actrice que j’apprécie énormément depuis ses débuts dans la série «Kaamelott» à ses premiers succès cinéma comme «Intouchables», une actrice glamour et sexy tout en humour qui fait du bien au cinéma français. Le duo fonctionne plutôt bien avec des moments de folies bien organisés par Beigbeder en grand connaisseur de l’esprit fêtard et du milieu de la mode et du profit. Mention spéciale à Jonathan Lambert en directrice de l’Idéal, l’un des personnages secondaires les plus fun de ce délire nombriliste, mais totalement assumé.
BEIGBEDER, PARCE QU’IL LE VAUT BIEN!!!!
Inspiré par la vie «fantasmée» de et par Beigbeder, écrit par Beigbeder, réalisé par Beigbder, autant vous dire que si vous n’aimez pas le garçon, vous allez détester «L’Idéal». On sent toute sa maîtrise sur le traitement d’un sujet qu’il a très bien connu: son modèle économique, les personnages évoluant à l’intérieur des grandes firmes cosmétiques, les vices et coutumes associés à cet univers. Frédéric se paye même le luxe d’apparaître en caméo dans son propre film… égocentrisme quand tu nous tiens!!! Même constat que pour «The Neon Demon», le sujet et l’univers du film peut justifier toutes les dérives et délires de son réalisateur. Ce qui est encore plus intéressant dans ce long métrage, c’est la manière avec laquelle Beigbeder va utiliser son sujet, le critiquer et en transformer le message pro-capitaliste et forcement mondialisée en ode à la revendication et à l’humanisme à la limite du communisme. Beigbeder politique?? Oui et non, une démarche sûrement bobo, mais je ne peux qu’apprécier cette volonté d’utiliser le superficiel et l’égoïsme ambiant avec «L’Idéal» en parodie criarde de l’Oréal afin de montrer les effets néfastes de l’hyper capitalisme sur des pays ayant connu les doctrines soviétiques du siècle dernier.
Une démarche créatrice assumée est louable, mais il ne faut pas que cela pour en faire une réussite. On sent toute la bonne volonté de Beigbeder pour rester dans la continuité de «99 francs», mais surtout dans la réalisation de Jan Kounen. On a le droit en effet à des délires visuelles très efficaces comme un tour dans des montagnes russes pour y découvrir les vices propres au pays de l’ami Poutine, des scènes construites à la manière d’une publicité d’une grande marque de luxe présente sur les Champs Élysées, mais aussi cette habitude conservée par Octave qui consiste à briser le 4eme mur afin d’impliquer réellement le spectateur dans son univers. J’en veux un peu plus à Fredo et sa campagne révolutionnaire envers le luxe et l’exploitation de la misère sociale, en effet, je pense que faire dans la dénonciation d’un système est respectable, mais il n’est pas forcément utile d’abuser de l’usage des symboles communistes. Pire encore, détruire par vengeance et rédemption un système, mais rester dans le conventionnel à travers l’écriture d’une histoire très prévisible à la fin tellement facile et faussement idyllique. Au final, «L’Idéal» est une comédie intelligente, bien traitée, mais qui devient presque aussi mensongère que le milieu qu’elle semble vouloir rejeter…
A voir? Pour retrouver ce bon vieux Octave et prendre des nouvelles de Beigbeder. «L’Idéal» est une comédie bien au dessus de la moyenne des comédies françaises actuelles, mais qui manque vraiment d’esprit révolutionnaire… Viva la Revolucion – Paris!!!
- Une bonne suite à "99 francs" avec le cynisme et l'humour qu'il faut.
- La belle et charismatique Audrey Fleurot.
- Les délires visuelles et le rédemption de Frédéric Beigbeder.
- Un esprit révolutionnaire rapidement étouffé par un conformisme très cinéma français...
- L'usage presque excessif de symboles.
- Attention à l'overdose de Beigbeder !!!
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