Belladonna, c’est un film d’animation japonais sorti il y a plus de quarante ans et que l’on a longtemps cru perdu pour toujours! Mais le film et bel et bien là, il a même bénéficié d’une restauration 4K à l’occasion de sa sortie en salle. Le film a été produit à l’époque par Mushi production qui n’est autre que le studio du père du manga, Osamu Tezuka!
Synopsis de Belladonna
Jeanne est une jeune paysanne amoureuse de Jean. Mais tourmentée par son seigneur, elle va pactiser avec un démon en échange d’une vie prospère. Mais l’ascension sociale rapide de son couple va attiser les jalousies et on va bien vite la considérer comme une sorcière et elle va se retrouver persécutée.
Elle va alors pactiser avec le diable pour se venger de tous ceux qui lui en veulent et va trouver refuge dans l’étrange vallée de la Belladonna..
Mon avis
Je dois commencer par saluer le courage d’Eurozoom de sortir un tel OVNI de l’animation japonaise! Car il y a peu de chances que le film fasse un succès auprès du grand public (ce qui n’est sans doute pas l’objectif). Mais c’est là que l’on sent que l’on a des vrais passionnés d’animation avant toute chose!
Le film date d’avant ma naissance (il est sorti en 1973) et l’on peut assez facilement imaginer son aspect sulfureux à l’époque (du moins pour une partie de la population). Petite précision, j’ai vu le film en version non restaurée grâce à une version en ligne fournie par Eurozoom, je ne me prononce donc pas sur le travail de restauration qui a été entrepris pour la sortie sur nos écrans.
Un film déroutant
Le film surprend sur de nombreux points. Le premier, c’est sur l’animation ou plutôt la « non-animation » devrais-je dire! En effet, la plupart des scènes ne sont pas animées, mais un simple travelling sur le dessin (voir un dessin statique). Et les scènes animées sont assez limitées. Certes, les connaisseurs d’animation japonaise sont familiers de la fameuse « animation limitée » développée par les Japonais pour suivre les cadences infernales de production des animés, mais là, c’est poussé à paroxysme jamais vu!
Visuellement, on est aussi très loin des standards actuels de l’animation. La plupart du temps, on est plus dans le registre du tableau façon aquarelle (ou d’autres techniques), qui met particulièrement en évidence la beauté de Belladonna (mais beaucoup moins celle des autres personnages). Et on a une alternance de styles graphiques qui peut parfois être déroutante.. Certains passages sont très beaux et esthétiques, d’autres carrément laids.
Le film a effectivement une dimension érotique, mais la plupart du temps tout en suggestion, mais au fur et à mesure du film, cela devient de plus direct. Le viol de Belladonna au début du film est ainsi mis en scène de façon relativement pudique, cela l’est un peu moins avec le démon qui va la corrompre et qui va par exemple s’agiter entre ses mains, tel un sexe d’homme! Ou quand celui-ci va la « visiter » et la faire jouir pour la « corrompre »! L’anatomie de Belladona n’aura rapidement plus de secrets pour nous, mais cela reste finalement assez anecdotique de nos jours. Ce côté érotique et sulfureux a donc un aspect plutôt désuet de nos jours…
Il y a également un aspect comédie musicale, enfin plutôt opéra rock, en phase avec l’époque de production du film. Notamment à partir de la moitie du film, où les passages musicaux sont accompagnés d’images très psychédéliques et avec des scènes de sexes sans équivoque. Ça me rappelle un peu d’ailleurs le film « The wall » de Pink Floyd sorti en 1982 (qu’il faudra que je regarde en entier un de ces jours). La BO est disponible en vinyle chez Potemkine.
Bref, Belladonna était probablement un film hors-norme à sa sortie en 1973 et le reste toujours après toutes ces années. Le récit, par moment un poil elliptique (ou abstrait) est d’ailleurs parfois un peu difficile à suivre, il faut rester attentif!
Sorcière, es-tu là?
Le film est adapté du roman de Jules Michelet, « La sorcière », paru en 1862. La sorcellerie est décrite comme un révolte face à l’obscurantisme de l’époque et à la misogynie ambiante. Une vision bien retranscrite dans le film qui y rajoute des questions de son époque : la liberté sexuelle ou la condition de la femme par exemple. Un film qui a fait date au Japon, Myazaki dit par exemple s’être inspiré de Belladona pour le personnage féminin dans Lupin III et Takahata pour celui de la princesse Kaguya.
Au final
Avec Belladonna, on est plus dans le registre du film d’art et d’essai que du film d’animation « classique ». A ce titre, le film n’est donc clairement pas destiné à un jeune public, mais plutôt aux fans d’animation désireux de découvrir cette curiosité! Un film marqué par son époque et par une dimension féministe, les violences faites à Belladonna sont une dénonciation des violences envers les femmes. Un message qui reste malheureusement d’actualité plus de 40 ans après la sortie du film.
A mon sens, le film reste donc une curiosité réservée aux fans d’animation, les autres risquent de s’ennuyer ferme!
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