L’île de Giovanni

L’île de Giovanni (Giovanni no Shima en VO) est un film d’animation réalisé par Mizuho Nishikubo et produit par le studio Production IG a qui l’on doit nombre de pépites d’animations (comme les films et séries Ghosth in the shell, les films Patlabor,  ou plus récemment le très beau Lettre à Momo). Le film est inspiré de faits réels survenus au lendemain de la seconde guerre mondiale dans la petite île Shikotan située au nord du Japon dans l’archipel de Sakhalin.

A

lors que la fin de la guerre est annoncée à la radio par l’empereur lui-même, les habitants de la petite île aspirent à reprendre leur vie paisible de pécheurs. Parmi eux, on fait la connaissance de deux jeunes garçons, Junpei et Kanta son petit frère. Leurs prénom sont l’adaptation japonaise de Giovanni et Campanella, les deux héros de la nouvelle « Le train de nuit dans la voie lactée », un livre que leur père Tatsuo est un inconditionnel et qui le fait lire très régulièrement à ses enfants. C’est sans doute de là que vient leur passion pour les trains même si ils n’en n’ont jammais vus en vrai. La mère des deux enfants est morte, et ils vivent également avec Genzo, leur grand père. Leur vie est rude, mais heureuse, en témoigne la scène d’ouverture ou ils vont piller des nids d’oiseaux!

giovanni-screen008_1600x1200_

Malgré la fin de la guerre, le sort va leur réserver une bien mauvaise surprise! Les russes vont débarquer et occuper leur île, les soldats vont s’installer dans leur maison, leurs enfants vont s’installer dans la salle de classe et reléguer les enfants de l’île dans une petite salle annexe. Étrange situation ou les autochtones vont devoir composer avec une force d’occupation russe dont elle ne parle pas la langue ni la culture. Un statu quo fragile va s’installer entre les deux groupes. Et c’est par les enfants que va passer la communication. Junpei va se lier d’amitié avec Tanya, la jeune russe qui habite sa maison.

L'Île de Giovanni - Bande-annonce VF

Un peu d’histoire pour mieux comprendre

Le contexte historique étant au coeur de l’histoire, j’ai décidé de m’y intéresser de plus près et de vous faire une petite synthèse. Les îles entre le Japon et la Russie (mer d’Okhotsk) ont été de perpétuelles sources de conflit, et leur contrôle a changé de main au gré des événements et des accords entre les deux pays. Comme vous pouvez le voir sur la carte ci-dessous la frontière entre les deux pays (matérialisée en rouge), n’a cessé de changer :

Demis-kurils-russian_names

Lors de la seconde guerre mondiale, les Russes ont « profités » du conflit contre la promesse des alliés faite à Yalta de récupérer auprès des territoires contre leur intervention. Ainsi, l’île de Sakhaline, sur laquelle les habitants de Shikotan ont été transportés, partagée entre le Japon et la Russie avant la guerre est devenue un territoire 100% russe suite à ses accords.La plupart des Japonais ainsi déplacés furent rapatriés au Japon en 1947.

Cette seconde carte, qui donne une vue d’ensemble montre comment la zone contrôlée par le Japon s’est réduite après la guerre :

2

Mais finalement, l’île de Sakhaline n’a pas posé de problèmes. Ce sont les 4 îles les plus proches du Japon (Habomai, Shikotan, Etorofu et Kounashiri) sur lequel porte la contestation Japonaise. A tel point qu’aucun accord de pays n’a été signé entre les deux pays suite à la seconde guerre mondiale à cause de ce « différent »! Si les conditions d’accès à ces îles pour leurs anciens habitants Japonais sont devenues plus simples des derniers temps, il ne leur est toujours pas possible de pouvoir retourner y habiter. Il est intéressant de noter qu’au delà de questions politiques internationales, les hommes ont su garder la tête froide. Ainsi, certains anciens habitants de Shikotan continuent de se rendre régulièrement sur l’île pour rendre visite à leurs amis russes..

Mon avis

L

e parti-pris graphique de l’ile de Giovanni est un peu surprenant de prime abord. Un chara-design ultra simple, voire même simpliste associé à des décors façon crayonnés d’un livre d’illustrations pour enfants, avec des traces très marqués des coups de crayons, et  une gestion des perspectives disons parfois fantaisiste! L’idée étant de coller à la dimension du récit à la première personne fait par Giovanni. Mais en toute franchise, on s’y fait très vite, et on finit même par trouver les décors agréables à l’oeil, même si on est ici loin d’une précision des décors à la Ghibli. Ça m’a beaucoup fait penser au style très dépouillé de la série Windy Tales également réalisée par Production IG. On doit les décors à Santiago Montiel, un illustrateur argentin qui est le directeur artistique des décors du film. Il a du s’adapter aux contraintes du studio Japonais, comme par exemple pour les portes qui sont des portes coulissantes traditionnelles du Japon, rien à voir avec la porte à l’occidentale qu’il dessine habituellement!

image1

Le film, inspiré de faits réels a certaines similarités avec le Tombeau des Lucioles de Takahata, mais je vous rassure, le film est bien moins dur (même si j’ai trouvé la fin très émouvante). Car la aussi, il va être question de la guerre (même si paradoxalement, l’action se déroule après la fin de la seconde guerre mondiale) vue par les yeux d’enfants. Un « filtre » qui va permettre d’atténuer la dureté de la réalité des habitants de l’île. C’est par les enfants, Junpei et Tanya en premier lieu, qu’un rapprochement va s’opérer entre les deux populations que tout oppose : la langue, la culture. Le passage à l’école avec la leçon de chant ou chaque groupe reprend tour à tour la chanson de l’autre groupe de manière spontanée en est un très bel exemple (Akatonbo, la libellule rouge des Japonais est repris par les russes et Katioucha par les Japonais). Un petit moment de grâce.. C’est parfois des différences plus anecdotiques comme lorsque Junpei et Kanta découvrent pour la première la fourchette et le couteau au cours d’un repas chez leurs nouveaux voisins russes.

Le film offre également de nombreuses phases oniriques et fantasmagoriques avec le fameux train de la nouvelle « Le train de nuit dans la voie lactée » (« Ginga Tetsudō no Yoru » en Vo) écrite par Kenji Miyazawa à qui l’on doit également Gauche le Violoncelliste qui a été adapté en film d’animation par Isao Takhata. Le train de nuit dans la voie lactée a également inspiré Leiji Matsumoto pour Galaxy Express 999. Cette nouvelle est le vrai fil rouge de l’intrigue et offre un peu de légèreté dans les moments difficiles ou Kanta & Junpei imaginent monter à bord du train pour fuir leurs problèmes. Malheureusement, pour ceux qui seraient intéressés par la lecture du livre, il est indisponible en VF. Si vous tenez à le lire, il faudra le dénicher en occasion.

c8jvisy4fcf576gkfaz3

Malheureusement ce semblant de statu-quo ne va pas durer, et va s’interrompre brutalement lorsque les Japonais vont être chassés de leur île. D’ailleurs, l’île de Shikotan est restée russe depuis cette époque. On y découvrira la cruauté inutile de l’homme à cette occasion! Pourquoi diable avoir emmené ces Japonais en URSS, alors qu’il suffisait de les renvoyer directement au Japon? Pourquoi les avoir autant maltraités alors que la guerre était terminée? Et pourquoi personne n’est intervenu en leur faveur? Sans doute le fait qu’ils soient des Aïnous, une peuplade aborigène vivant au nord du Japon et à l’extrême sud-est de la Russie, méprisés par le reste du Japon n’y est pas étranger.

En bref, l’île de Giovanni est un beau film émouvant, mais qui ne prend pas parti et qui reste assez léger malgré quelques passages parfois durs. Si comme moi vous emmenez vos enfants, je pense qu’il est visible et intéressant à partir de 8 ans (mon petit dernier à trouvé le temps un peu long). Et pour les passionnés du japon dont je suis, c’est une découverte intéressante d’un phase méconnue de l’histoire Japonaise. Une situation ubuesque ou des populations (tant Russes que Japonaises, se retrouvent victimes collatérales de changement de frontières). N’hésitez donc pas à aller le voir si il passe près de chez vous (ce qui n’est pas évident vu le nombre de copies restreintes dont semble bénéficier le film). Mon seul regret, c’est que le studio Production I.G, bien connu des fans, ne dispose pas encore d’une exposition similaire à celle de Ghibli chez le grand public Français. Gageons que cela n’est qu’une question de temps! Le film a obtenu la mention du jury de l’édition 2014 du festival d’Annecy.

Pour info, une adaptation de « Le train de nuit dans la voie lactée » va également sortir fin Aout. Il s’agit de Budori (Guskō Budori no Denki), un film produit par le studio Tezuka et réalisé par Gisaburō Sugii, un « vétéran » de l’animation.. Je vous en reparlerai également..

Acheter sur Amazon :

giovanni-BR giovanni-DVD

En commandant le DVD / Bluray avec les liens ci-dessus, GeeKroniques touche une commission qui permet de payer les frais du site (hébergement / nom de domaine). Merci de votre soutien!
  
8.5 Note GeeKroniques
0 Visiteurs (0 votes)
Ce que vous en dites Laissez votre évaluation
Trier par :

Soyez le premier à laisser une critique!

User Avatar
{{{ review.rating_title }}}
{{{review.rating_comment | nl2br}}}

Plus
{{ pageNumber+1 }}
Laissez votre évaluation

Envie de réagir? Dans ce cas, n’hésitez pas à le faire via les commentaires ci-dessous!
L’article vous à plu? Partagez-le sur les réseaux sociaux via les boutons juste au dessus. Si vous avez rédigé une critique, n’hésitez pas à laisser un lien vers votre article.
Si vous voulez être informé des prochaines critiques, abonnez-vous au flux RSS ou à la newsletter. Une application Android est également disponible!
width=

Article écrit par Mat

Mat, créateur et admin du site GeeKroniques. Grand fan de séries et de culture Japonaise, je vous parle de mes coups de coeurs et parfois de mes coups de gueule! Retrouvez également mes tutos informatiques sur mon autre site.

1321 articles

2 réflexions sur « L’île de Giovanni »

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.